Du 29 août au 04 septembre 2020
Séjour n° 13 Du Méjean au balcon des Cévennes
Animateur : Thierry
Transport aller-retour : en co-voiturage, 3 voitures de Montferrand au Rozier
Météo : parfaite – quelques gouttes 2,3 heures, un ciel variable à ensoleillé avec une grande
douceur – très ensoleillé et chaud le jour 7
Terrains et paysages : le Causse Méjean (origine de Méjean = Milieu – en effet causse pris entre
les trois autres grands Causses, Sauveterre, Noire et Larzac) vaste plateau calcaire de 340 km2.
Issue d’une évolution de près de 160 millions d’années, d’une hauteur approximative avant sa
lente érosion de plus de 1000m Gorges calcaires (Jonte et Tarn) – paysages de dolomies – plateau
calcaire avec dolines – peu de parties boisées surtout sur le nord et l’est du Causse – paysages
ruiniformes autour de Nîmes le Vieux / l’Hom – Culture fourragère dans les dolines – Grands
espaces « mongoliens » sur toute la partie sud-est du Causse – la plus désertique – Plateau
granitique couvert de bruyère en montant vers l’Aigoual – Crêtes et schistes dans la partie
cévenole en descendant vers Valleraugue et la vallée de l’Hérault et en remontant vers l’Hospitalet
– petit plateau calcaire autour de l’Hospitalet – sculptures calcaires aux Arches de Saint-Pierre – et
les Vases de Chine et de Sèvres dans les gorges de la Jonte
Petit patrimoine architectural : fermes caussenardes et bergeries en voutes de pierre, fours à
pain, lavognes, clapas, dolmens
Jour 1 : Le Rozier- Rieisse- 22 km – 990m D+ – 8h de déplacement
Partis à l’heure exacte – 6h30 – avec 8 participants de Montferrand, nous nous arrêtons en route
prendre Daniel au Crest et Aurélie quelques minutes plus tard à Issoire. Après une pause
réconfortante sur l’aire de la Lozère avec le petit-déjeuner que j’avais préparé, nous arrivons sans
encombre au Rozier, point de départ de la boucle. Les 3 voitures sont rangées le long du mur du
cimetière. Son précieux robinet nous permet de faire le plein d’eau. Après vingt minutes passées à
nous équiper et vérifier nos sacs les choses sérieuses peuvent commencer. Il est 9h30.
Direction Rieisse sur le côté nord du Causse. Nous suivons le GR6 qui nous sort tranquillement du
village par des pentes déjà soutenues. On se trouve rapidement dans une ambiance gorge et
rochers dans laquelle nous nous déplacerons pendant une partie de la journée. Bienvenue sur le
sentier de la corniche du causse… Nous arrivons à proximité du rocher du Capluc que nous
hésitons à escalader … Mais la route est encore longue et nous nous promettons de le visiter à
notre retour puisque nous emprunterons le même sentier à la fin de notre boucle. Nous
progressons sur un sentier étroit et calcaire. Ce sentier porte le nom de Jacques Brunet qu’un
panonceau mentionne comme « déconseillé aux personnes sujettes au vertige » et comme
« parcours très difficile » ; il fut baptisé ainsi par Louis Balsan et ses amis du CAF de Millau, en
1935, à la mémoire du créateur de cette voie, mort au début de la Grande Guerre, à l’âge de 23
ans.
Au détour d’un virage, on aperçoit le rocher de Francbouteille, qui forme un grandiose
promontoire sur le Causse Méjean ; il est selon Edouard-Alfred Martel « une étrave et l’un des plus
beaux rochers du pays ». Bel exemple de ce calcaire particulier qu’on appelle dolomite qui a vu sa
composition se transformer au fil du temps en passant du calcium au magnésium. Tout ceci se
passant bien sûr dans une mer aux eaux chaudes il y a plus de 160 M d’années. Ce type de calcaire
plus résistant à l’érosion y compris l’érosion quaternaire forme l’essentiel de la corniche. Le
chemin qui continue de monter se sépare du sentier des gorges de la Jonte que nous retrouverons
le vendredi suivant. Nous progressons plein nord à flanc de corniche coté Tarn. Nous déjeunons à
hauteur du gros rocher de Cinglegros et de ses échelles bien rouillées. Il nous faudrait une heure
et demie pour le rejoindre. Nous le laissons donc de côté. Le couvert forestier masque souvent les
gorges du Tarn que nous surplombons de 450 m environ. De temps à autres, des trouées nous
offrent de belles vues sur les gorges comme au Pas de l’Arc avec en prime ces beaux arcs sculptés
dans la falaise. Après 5 heures de cheminement, nous parvenons à la Bourgarie et quittons
définitivement le sentier des gorges. Nous sommes désormais sur le plateau et le paysage change
radicalement : on voit loin et le relief est fait de légères ondulations. Ce sera le paysage traversé
jusqu’à Rieisse à proximité du Roc des Hourtous, superbe belvédère en aplomb des Détroits. Le
Tarn y est dans sa portion la plus étroite – moins de 30 m – et les gorges y sont les plus profondes.
Le Causse de Sauveterre est à portée. Un funambule du vertige avait tiré une ligne entre Méjean
et Sauveterre à cet endroit. Le gîte est à l’entrée de Rieisse. Comme convenu avec la propriétaire
absente pour cause de mariage, nous trouvons la clé et les repas livrés à l’avance par le
restaurateur de la Malène. Première soirée dans la bonne chair et la bonne humeur.
Jour 2 : Rieisse – Florac les trois Rivières 34 km – 806m D+ 1175m D- 9h52 de déplacement
Longue journée et assez longue rando entamée sous un petit crachin breton. Nous suivrons une
grande partie de la journée le GRP « Tour du Causse Méjean ». Nous sortons de Rieisse en
zigzaguant dans le hameau. Belles demeures caussardes mais, et ce sera le cas pendant tout le
séjour, peu d’habitants rencontrés. Le parcours du jour épouse le contour des gorges du Tarn qui
remontent au nord de Rieisse vers La Malène et Ste Enimie avant d’obliquer à l’est vers Ispagnac
et Florac. Le chemin sera beaucoup moins vertigineux que la veille et des gorges nous ne
devinerons presque rien sauf quand le sentier se rapprochera un peu de la corniche du plateau.
Quelques hameaux traversés : Montignac, Anilhac, Mas St Chély, le seul vrai bourg, Toujours ses
belles demeures simples, toutes en calcaire, voutées par construction sans charpente apparente.
Normal sur un territoire ou le minéral abonde et où le couvert végétal et donc le bois de
construction était bien absent depuis longtemps. Cette absence de bois, forêts, n’est plus de mise
depuis l’après-guerre avec comme ailleurs dans le Massif Central les plantations de résineux qui
changent radicalement le paysage. Il en perd de sa rudesse… Le paysage est tout en douces
collines ; cette partie du plateau est protégée de toutes parts et est propice à la culture
céréalière… L’élevage extensif d’ovins a bien sûr toute sa place et lui aussi modèle le paysage.
Bizarrement, quasiment pas d’animaux sont visibles sans que l’on comprenne pourquoi et faute
d’habitants à qui poser la question, le mystère demeure. Nous aurons un début d’explication à
l’Hom le lendemain. Nous passons à proximité de belle lavognes dallées. Les lavognes sont des
mares artificielles que l’homme du Causse aménage au fond de petites dépressions pour servir
d’abreuvoir à ses animaux. La nature s’occupe de l’étanchéité car les fond est tapissé d’argile, fruit
de la décomposition du calcaire. Mais l’homme moderne peut recouvrir le fond de toile plastique
moins écologique et plus chères. Signes d’une vieille occupation du plateau, de nombreux dolmens
se dressent sur ou à proximité de notre route. Comme le dolmen de Combe la Brouze, le plus
important du Causse. La dalle principale cassée en 4, abritait la chambre sépulcrale dans laquelle
furent retrouvés les restes de 34 adultes et un enfant.
Sans s’en rendre compte, nous avançons à assez vive allure. En jonglant avec la pluie en début
d’après-midi avec séances rapides d’habillage-déshabillage… Après avoir dépassé les deux-tiers du
parcours, vers la Condamine, je décide de couper plein est en HP pour sortir de la dépression dans
laquelle nous sommes et parvenir sur la corniche du Causse. Il nous reste 7 long kilomètres pour
perdre les 600 mètres qui doivent nous amener au bord du Tarnon dans le cœur historique de
Florac. Après une longue journée, cette dernière partie de rando tout en descente n’en finit pas.
Finalement, nous arrivons au but à proximité du château de Florac qui abrite le siège du parc
national des Cévennes. On observe bien de la vallée, les falaises du Causse dites « en traits de scie »
par l’effet des coulées d’eau qui incisent la dolomie. Le gîte est un centre d’accueil moderne et
fonctionnel sans charme et sans restaurant. Tant mieux, cela nous permet de découvrir un petit
restau (un des seuls ouverts ce dimanche soir) peu engageant de prime abord mais qui nous offrira
de succulents Burgers auvergnats propres à reconstituer les forces pour le lendemain.
Jour 3 : Florac – l’Hom 19 km – 811 D+ 7h17 de déplacement
Courte étape mais peut-être la plus belle de mon point de vue. Puisque nous étions « tombés » du
Causse la veille, il fallait bien y remonter et le rejoindre dans sa partie la plus élevée et la plus
sauvage : nous passerons vers 13h à proximité du Mont Gargo, point culminant du plateau à 1247
m. Donc, après être remontés sur le plateau par de beaux sentiers, souvent en balcon, nous
disons au revoir à Florac les Trois Rivières. Au fait on n’en a pas parlé la veille, mais quelles sont
ces trois rivières ? Le Tarn bien sûr, le Tarnon et la Mimente. Le Tarnon a pris sa source à l’Aigoual
et a cheminé quelques dizaines de kilomètre pour devenir, en aval de Florac, le Tarn lui-même.
Fermons la parenthèse. Parvenu sur le plateau, le tracé du GRP file au nord alors qu’il part vers le
sud sur ma carte… Elle date d’une quinzaine d’années. Le tracé a donc été modifié. Ne sachant pas
trop par où passe le nouveau tracé même si je le devine en voyant les chemins d’exploitation qu’il
pourrait épouser, je ne veux pas rallonger la journée de plusieurs kilomètres. Je décide de faire
confiance à la carte et poursuit donc sur l’ancien GRP. Bien nous en a pris car nous évoluons en
quasi hors-piste puisque toutes traces d’anciens cheminements ont quasiment disparu. Nous
sommes dans la partie la plus sauvage du Causse. Le terrain est fait de légères dépressions dont
l’une nous servira d’abri pendant notre déjeuner. Nous avançons en recherchant les points hauts
qui sont autant de repères d’orientation. Je navigue à la boussole et le GPS de Bruno confirme de
temps en temps la bonne orientation. Ces reliefs plus élevés mettent bien en évidence les dolines
plus ou moins vastes où se concentre l’essentiel des cultures céréalières. Nous arrivons en milieu
d’après-midi dans le hameau de Villeneuve qui est la porte d’entrée sur le chaos de Nîmes le
Vieux. Sur 4 kilomètres environ, jusqu’à l’Hom, s’étalent des centaines de rochers ruiniformes
vestiges de l’érosion du plateau. Ces rocs en dolomie sont troués, taillés et sculptés. L’imagination
peut vagabonder. Chacun peut y voir des formes d’animaux, des parties de l’anatomie humaine
(les plus rondes ), etc… Le nom de Nîmes le Vieux a été attribué par son « découvreur » Paul
Arnal, pasteur à Vébron, par analogie avec le chaos de Montpellier le Vieux, un site similaire
découvert 25 ans plus tôt sur le Causse Noire par le grand explorateur des causses E.A. Martel
dont on reparlera le dernier jour.
C’est dans ce décor un peu fantasmagorique que nous cheminons tranquillement ; l’Hom le
hameau de la halte du jour est proche… Le gîte se révèlera agréable avec un pot au feu tout simple
qui a comblé même les plus difficiles. A propos de l’absence des bêtes dans les enclos, l’hôtesse
qui est aussi éleveuse nous explique que les bêtes sortent la nuit et restent enfermés la journée
afin de ne pas souffrir de la chaleur en été….
Jour 4 : l’Hom – Valleraugue 25,7 km – 800m D+ – 1495m D- 9h38 de déplacement
C’est par le sentier pédagogique du site de Nîmes le Vieux que nous quittons l’Hom. Il zigzague
dans le chaos et nos appareils photos « crépitent ». Le site est ici gratuit alors qu’au Veygalier, le
hameau avant l’Hom, on doit payer deux euros. Certains propriétaires sont « prêteurs », d’autres
pas. La journée commence donc tranquillement sur de belles drailles jusqu’au col de Perjuret. Du
col on voit la route qui descend dans la vallée, à l’ouest vers Meyrueis où nous nous arrêterons
deux jours plus tard. Nous avons au sud notre repère, l’Aigoual, qui parait encore bien loin. Peu
après le col nous pénétrons par de beaux mais pentus sentiers forestiers dans la Forêt domaniale
de l’Aigoual que nous allons traverser pendant quelques heures. Parcours globalement en montée
avec de longs replats mais des côtes sévères après Cabrillac. En début d’après-midi, nous sortons
du bois… La pente s’adoucit et nous débouchons sur le plateau granitique de l’Aigoual recouvert
de bruyère.Nous ne la voyons pas mais à l’ouest en contrebas du chemin la Jonte prend sa
source…
Nous coupons à travers les pâturages pour parvenir sur la route terminale qui mène à
l’Observatoire. L’étape du Tour de France se terminera exactement là le surlendemain. Pour le
moment, quelques cyclos finissent leur ascension mais il y a relativement peu de monde sur le site
lui-même. D’assez gros travaux sur et autour de l’Observatoire sont en cours et pas seulement
pour préparer l’arrivée du Tour. Il s’agit de restaurer le site en y intégrant une nouvelle
scénographie de découverte du lieu. La construction du bâtiment débute en 1887 sous la direction
de Georges Fabre dans le cadre du reboisement du massif. Cette œuvre de longue haleine a vu la
population locale s’opposer violemment aux reboiseurs qui venaient finalement détruire leur
raison et leurs moyens de vivre, l’élevage ovin, en plantant des forêts en lieu et place de leurs
pâturages ancestraux. Ce reboisement était logique et avait pour but d’empêcher les énormes
coulés de boues causées par les épisodes cévenoles qui déboulaient sur les pentes que nous aussi
nous allons descendre, vers le sud, vers la vallée de l’Hérault, et causant d’énormes dégâts
matériels et des pertes humaines récurrentes. Encore et toujours le conflit de l’intérêt général et
des intérêts particuliers… L’observatoire est une belle vigie d’où le regard porte loin, à 360°. Nous
n’avons pas de mal à voir la Méditerranée. Mais il reste une grosse dizaine de kilomètres pour
arriver à Valleraugue dans le Gard. Nous empruntons le fameux sentier des 4 milles marches qui
va nous faire perdre près de 1400 m d’un coup tout en ligne de crête. La première partie est
pentue, dans les bois, avec un sol très pierreux et inégal. La seconde plus aérienne nous fait
enjamber des crêtes schisteuses. Ce passage offre de beaux dégagements vers le sud et le fond
des vallats, nom des vallées dans la toponymie cévenole. Dans une troisième partie nous
retrouverons la forêt. Les forces s’émoussent et certains trouvent le temps de plus en plus long.
Toutes les bonnes choses ayant une fin nous finissons par arriver dans le haut de Valleraugue. Le
bourg s’étale sur les pentes de l’Aigoual jusqu’à l’Hérault qui a pris sa source non loin de là. Un
enchevêtrement de ruelles typiquement méditerranéen nous mène au cœur du bourg. C’est une
ville ancienne qui a connu une grande prospérité jusqu’au milieu du 19 ème siècle comptant alors
jusqu’à 4000 habitants. C’est l’élevage des vers à soie et le tissage qui ont apporté la richesse à la
ville. AU début du 19 ème , Valleraugue et sa proche région seront la capitale de la soie en France.
L’architecture reflète bien cet âge d’or avec des maisons hautes, d’anciennes magnaneries…. La
ville comptera jusqu’à 17 filatures. Notre gîte d’ailleurs est une de ces anciennes filatures.
L’hôtesse, charmante, passera du temps avec nous -nous étions les seuls clients du soir – et nous
expliquera sa passion des lieux et nous fera passer toute son énergie. Table impeccable, grandes
chambres du gîte d’étape comme on en a rarement vu… Tout s’est conjugué pour rendre cette
étape inoubliable. Hélas, trois semaines plus tard, un épisode cévenol de grande intensité a
provoqué la crue du Clarou, affluent de l’Hérault, descendant de l’Aigoual qui a submergé en
quelques minutes notre gîte et tout le bas Valleraugue et de nombreux villages en aval dans la
vallée de l’Hérault. Notre hôtesse aura bien besoin de toute son énergie pour rebâtir … Je l’ai
appelée au téléphone et à son ton j’ai bien compris qu’elle allait faire tout pour relever son gîte en
partie détruit. Cette petite vidéo donne un aperçu des dégâts :
https://www.francetvinfo.fr/meteo/inondations/intemperies-dans-le-gard-le-village-de-valleraugue-
est-ravage_4112451.html .
Jour 5 : Valleraugue – L’Hospitalet 30,5 km – 1200m D+ – 811m D- 9h29 de déplacement
Au départ, j’annonce que ce sera une des étapes les plus difficiles du séjour : longueur et
dénivelée doivent se conjuguer. Nous continuons notre parcours en montagnes russes. Nous
partons du fond de la vallée à 300 m pour remonter vers la Haute Vallée de la Borgne, près de 900
m plus haut. Là encore, les modifications apportées au tracé des chemins nous désorientent un
peu. Le GR a été détourné par rapport à ma carte. Je m’en aperçois après quelques minutes. Le
sentier part plein nord quand sur ma carte il partait plein est. Nous revenons donc sur l’ancien
tracé et après 400-500 m sur la route, nous prenons une sente à peine visible et oubliée depuis
longtemps. Nous parvenons dans le hameau de Figayrole à partir duquel la pente va être raide
jusqu’à la crête, 4 km plus loin. Nous tombons sur un habitant qui est, belle coïncidence, membre
d’un club de rando. C’est lui qui me parle des modifications apportées au tracé du GR. Je lui dis
que rien n’a été fait dans le village pour informer de ce changement et je l’invite à faire un peu de
« pub » dans les gîtes par exemple. Il tombe d’accord avec nous et nous souhaite une bonne
montée, un petit sourire au coin des lèvres.
Cette première partie exigeante sera pour moi le meilleur moment de la journée. La suite, une fois la crête de Roque Rouge atteinte sera un long cheminement sur des drailles en partie en forêt.
Cette crête surplombe à près de 900 m la vallée de la Borgne qui donne son nom au GRP « Tour de la Haute Vallée Borgne » que nous allons emprunter jusqu’au col des Traverses. L’occasion
d’observer de haut les hameaux en ruine avec les vestiges de terrasses sur le versant nord
de la vallée et de constater comment les vallées découpent le paysage schisteux. Nous ne sommes pas très loin de Barre des Cévennes, de l’Espérou… Le paysage est rude et assez désertique. Le châtaignier règne en maître…
On n’a pas de mal a imaginé la rudesse du climat avec des hivers très neigeux. Nous déjeunons à proximité du col et de son imposante croix de Lorraine à la gloire des maquis Aigoual-Cévennes. La seconde partie du cheminement à partir de la Maison forestière d’Aires de Côte jusqu’au col Salidès va
s’avérer un peu longue et monotone, toujours sur les mêmes courbes de niveaux, sur de larges
drailles forestières. A un moment nous serons sur la serre du Tarnon qui prend effectivement sa
source en contrebas du sentier. Il faudra attendre le col pour retrouver le « grand air » et les
crêtes aux paysages enfin ouverts. Encore de belles pentes sur quelques kilomètres avant
d’apercevoir plus au nord, au loin, les falaises du Causse Méjean. Pour l’heure, nous progressons
sur nos dernières pentes d’un plateau à nouveau calcaire, plateau des Cans. Le gîte de l’Hospitalet
est à portée de main. La célèbre route de la Corniche des Cévennes passe juste devant. Il est
rustique ! Sa propriétaire, âgée et fatiguée, s’en occupe depuis toujours en plus dans sa période
d’avant la retraite de son travail d’agricultrice. La douche comme chaque soir est attendue avec
impatience. Patatras, après que seulement deux Atlassiens aient pu la prendre, coupure d’eau
générale. Plus d’eau du tout dant le gîte. Stupeur… Notre hôtesse ne s’en émeut guère et nous
invite à la patience. La cause récurrente qu’elle nous explique avec pédagogie est que la pompe
qui amène l’eau sur ce point haut du plateau calcaire est tombée en panne. La géologie rejoint et
explique le quotidien ! Pas de nappe où puiser de l’eau sur un plateau calcaire ! En attendant que
l’employé municipal répare la panne, nous aurons le temps de partager un excellent repas servi
par une femme attachante derrière une rudesse non feinte. En guise de digestif, nous pourrons
finalement prendre notre douche puisque la panne a été réparée tard dans la soirée. Il est près de
22 heures……
Jour 6 : L’Hospitalet – Meyrueis 24,1 km – 600m D+ – 910m D- 9h22 de déplacement
Nous avons pris notre temps pour cette 5ème étape ! Objectif Meyrueis, après être descendu du
plateau des Cans pour regrimper sur le CausseMéjean et redescendre finalement vers Meyrueis :
toujours nos montagnes russes ! Le début de journée est tranquille puisque nous descendons par
de vieux chemins vers le Tarnon et le hameau des Vanels. Toujours en hauteur nous découvrons
de larges échappées à l’ouest vers le Méjean et les vallées qui précèdent les gorges de la Jonte.
Des Vanels le parcours vers le pied du causse est quasi en hors-piste; traces d’anciens chemins
disparus, ronciers type « Belle aux Bois dormant » ne facilitent pas le cheminement. Un petit 180°
rattrapé par le GPS de Bruno et nous voilà plein ouest sur la serre de Cambo, seuls au monde, en
route vers un petit lieu-dit, Laval, avec ses quelques ruines. Toujours pas de trace évidente mais la
cible, la route à flanc qui remonte sur le Méjean est en vue et nous sert de repère. La pente est
moins rude que ne le promettait la configuration du terrain. J’en profite pour initier Sandrine à
l’orientation en lui donnant quelques bases sur la lecture de carte, de la correspondance carte-
terrain et sur l’utilisation de la boussole. Ce sera un peu le fil rouge de l’animation du jour. Elle
tiendra les instruments jusqu’à la redescente du Causse. Parvenus à Villeneuve, nous retrouvons
notre parcours de l’étape 3.A l’entrée du hameau, une des rares personnes rencontrées pendant
le séjour, nous salue. L’homme est sur son chantier de construction d’un petit bâtiment (garage /
appentis ?) dans la pure tradition caussenarde, en pierre de calcaire et avec voûte de pierre en
guise de charpente. On a finalement l’exemple parfait sous les yeux de la façon de construire sur le
causse depuis la nuit des temps ou tout au moins depuis les derniers deux milles ans. On voit très
bien la technique pour monter une voûte à l’aide d’un grand gabarit de bois qui a la forme d’une
demi-sphère. Nos ancêtres utilisaient de la terre au lieu de ce gabarit plus moderne. Belle leçon
intéressante et donnée avec beaucoup de chaleur. Nous longeons à nouveau notre chaos de
Nîmes le Vieux.
Un petit repas pris à l’abri de quelques rochers et nous nous offrons une petite
récompense au Veygalier, petit hameau avant l’Hom sous la forme de quelques glaces et crêpes
dégustées au soleil, sur la terrasse d’un petit restaurant ouvert bien à propos. Toujours menés par
Sandrine, nous passons l’Hom et Gally qui marque la fin de la zone de Nîmes le Vieux. Le GRP
coupe le GR 60 et nous longeons le boisé puech de Mielgues, petite colline bordée par deux
fontaines indiquées sur la carte mais que nous ne trouvons pas sur le terrain. Un peu plus loin des
ruines de bergerie et une ferme en cours de restauration nous arrêtent longuement: ce sont des
exemples parfaits d’architecture caussarde dans lesquelles nous pouvons pénétrer ; les
dimensions sont impressionnantes avec un rez de chaussée semi- enterré et un étage vouté mais
avec une hauteur sous plafond de plus de 3 m ! Pendant que certains visitent, photographient,
d’autres s’occupent d’une Atlassienne aux pieds bien mal en point…. Même si ce n’est pas une
randonnée très difficile, les journées d’effort s’accumulent et les organismes commencent à
fatiguer….
Nous atteignons peu après le hameau des Aures qui marque le point de départ de la
descente du Causse vers Meyrueis. Un merveilleux chemin en balcon, long à souhait, à la pente
douce qui nous permet d’admirer l’Aigoual et la quasi-totalité des Cévennes loin au sud. De la
route de la vallée nous montent des klaxons de voitures : c’est la caravane publicitaire du Tour
dont l’étape vient d’arriver au Mont Aigoual et qui redescend vers Meyrueis après être passée par
le col de Perjuret. Comme toujours les derniers kilomètres vers Meyrueis nous semblent sans fin.
Le chemin, le traître, remonte très franchement. Nous passons devant un beau château et relais
d’où nous viennent des bruits des baigneurs qui s’ébattent dans une piscine…. Certains Atlassiens
se voient bien à leur place ! Patience ��. Finalement, le gîte apparait de l’autre côté du vallon.
C’est une grande bâtisse assez récente. Le temps de poser les sacs pour se mettre à la recherche
de l’hôtesse, nous entendons une clameur d’un des nôtres : une piscine ! Effectivement une belle
piscine masquée par le pignon du gîte nous invite à un bain réconfortant. Je le savais mais n’avais
rien dit. Belle surprise dont tout le monde ou presque profite une heure durant dans la douceur
d’une fin de journée d’été. Nous serons bien détendus autour du repas, succulent une fois encore.
Jour 7 : Meyrueis – Le Rozier 32,1 km – 1117m D+ – 1432m D- 10h04 de déplacement
L’étape sans nul doute la plus dure du séjour : la chaleur ce vendredi est forte – ce sera le début de
la quinzaine de canicule que nous avons connue en septembre. La longueur et les dénivelées
ajouteront bien sûr à la difficulté. Une montée inaugurale s’imposera une dernière fois : 200 m de
montée, à froid, sous les falaises du chaos de Pauparelle pour mettre le pied sur le plateau. Nous
voyons finalement Meyrueis qui paraît être un grand village fortifié et ramassé sur lui-même. Nous
n’aurons pas eu le temps d’aller le visiter. Longue marche sur des chemins bien tracés sans
vraiment de moments pour souffler jusqu’ à la pause matinale à proximité de l’aven Armand.
Cette partie du Causse avait été le siège au tournant des années 20 des essais des 3 véhicules
Citroën embarqués en 1931 dans l’aventure de la Croisière Jaune. Sur les conseils du grand
géographe Martel, les équipes Citroën viennent tester leurs autochenilles dans cette partie du
Méjean qui auraient des similitudes avec le désert de Gobi. A Meyrueis se trouve l’une des plus
anciennes concessions Citroën créée en 1919 dont le propriétaire, Jean Malafosse, ancien
maréchal-ferrant, forgeait la nuit dans son atelier les pièces qu’il fallait remplacer sur les véhicules
soumis à des tests intensifs, dans les conditions hivernales.
Nous passons à proximité de l’aven Armand que nous n’avons hélas pas le temps de visiter. Plus
loin je profite de la topographie pour montrer un magnifique talweg d’école… vers les Hérans.
Nous longeons de plus en plus fréquemment le bord du plateau. Les kilomètres commencent à
s’accumuler. Nous entrons dans Hielzas, étrange et grand hameau avec à l’entrée une grande
fromagerie « Le Fedou » qui produit depuis une trentaine d’année près d’une vingtaine de
fromage à base de lait de brebis. L’étrangeté vient de l’aspect très neuf des maisons, type
lotissement qui est peut-être lié à l’implantation de l’entreprise. Rien de vraiment typique mais
maintenir une activité artisanale sur un territoire aussi reculé et à l’écart de tout, sans
infrastructure est déjà un exploit.C’est malheureusement dans ce hameau que je propose à une
Atlassienne qui souffre de plus en plus de ses ampoules de s’arrêter là. Elle est allée au bout de ce
qu’elle pouvait. Je sais la route encore longue et nous devons arriver à tout prix au Rozier en fin
d’après-midi. La convaincre n’est pas facile mais elle accepte finalement et nous la laissons-là
mais pas seule puisqu’une autre Atlassienne lui propose gentiment de rester avec elle. L’une de
nos voitures viendra les rechercher en fin de journée. Elles auront le temps -nous l’apprendrons
après coup – de visiter l’écomusée local et de déguster des glaces artisanales au lait de brebis ! Un
peu tristes d’avoir abandonné deux des nôtres même s’il n’y avait pas d’alternative possible, nous
continuons d’avancer en silence.
De fait, la suite de la rando justifiera la décision. La chaleur s’intensifie sur les parties découvertes du plateau, ça monte, ça descend, les sentiers sont très pierreux et traversés par les racines des résineux qui forment l’essentiel des bois traversés. Pas simple après six bonnes journées de marche. Après une pause repas rapide, nous reprenons le chemin pour gagner St Pierre des Tripiers et ses Arcs, curiosités géologiques typiquement karstiques. Dans la forêt de pins, le sentier aménagé nous fait découvrir trois arcs de plusieurs dizaines de mètres au milieu d’autres rochers de taille plus réduite : arc de la Grande Place, rocher de l’Homme Mort, rocher de la Poule de Houdan émaillent notre route. Déroutant et spectaculaire même si la fatigue qui nous gagne diminue notre curiosité et notre enthousiasme. Nous ne
chercherons pas les vestiges du village préhistorique dit des Résiniers qui se trouve à proximité.
Nous continuons la route franchement au sud pour parvenir sur la corniche des gorges de la Jonte,
enfin ! à hauteur du balcon des Vertiges. Le sentier est étroit, et il faut bien regarder où mettre les
pieds quand notre regard est plutôt attiré par le grandiose du paysage ! La vue des gorges porte
loin vers Meyrueis ou au sud vers le Causse Noir. Tout n’est que falaises abruptes ou piliers de
dolomie détachés de la falaise-mère par l’érosion. Bientôt nous arrivons à hauteur des deux
fameux rochers taillés par l’érosion qui leur a donné la forme de vases, de Chine et de Sèvres. En
remontant le sentier vers le nord pendant quelques dizaines de mètres, nous arrivons à hauteur
du rocher de Francbouteille.
Bientôt, nous retrouverons l’intersection avec le GR 6 : une semaine plus tôt, nous remontions le
GR au Nord mais là nous le continuons en sens inverse jusqu’au rocher de Capluc, à l’ouest.
Personne ne propose de faire l’ascension du rocher comme envisagé le samedi précédent. Faut-il
s’en étonner ? Une demi-heure plus tard nous sommes dans le bas du Rozier vers l’église et le
cimetière. La boucle est bouclée. Grande satisfaction pour les participants d’être arrivés car je ne
sais pourquoi, le séjour faisait un peu peur…. Pour l’animateur, la satisfaction venait du fait que la
totalité du tracé imaginé avait bien été réalisé sans problème physique, avec une météo très
clémente, avec de bons et beaux gîtes et dans une bonne ambiance collective qui ne s’est jamais
démentie. Chacun des participants gardera de nombreuses images de ce séjour !
Un grand merci à tous les participants et particulièrement à Bruno pour son soutien pendant tout
le séjour.
Thierry